Centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat
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Islam et Laïcité

Vous me faites l'honneur d'une fraternelle invitation pour vous parler de l'islam et de la laïcité. Je vous propose donc d'évoquer succinctement trois points, à partir des desquels nous pourrions tout à l'heure débattre, cíest-à-dire:

    Éviter les amalgames

    Penser encore la laïcité

    Agir « maçonniquement ».

I - Éviter et combattre les amalgames

L'actualité internationale depuis deux décennies, depuis la prise du pouvoir en Iran de Khomeiny en 1979, est parsemée de révoltes et d'opérations sanglantes de toutes sortes. Elles ne touchent plus seulement le Moyen-Orient (les révoltes à La Mekke; les répressions en Syrie, les interventions américaines en Afghanistan et sans le Golfe...), elles touchent directement maintenant l'Occident sur son propre terrain (le 11 septembre à New York, le 11 mars à Madrid 2004...). La liste pourrait effroyablement s'allonger si l'on comptait les dizaines voire centaines d'opérations imputés aux islamistes en Algérie, au Maroc, en Palestine, au Pakistan etc... Une telle liste d'horreur risquerait d'entretenir la confusion entre islam et islamisme (parfois appelé intégrisme, fondamentalisme, ou islam politique..) Où se trouve la différence?

Pour simplifier, disons que l'islam de la tradition historique peut amener à une très grande spiritualité et l'islamisme à une très grande inhumanité. Car l'islamisme se justifie par une lecture unilatérale d'un texte sacré, en l'occurrence le Coran par lequel il légitime sa propre violence. Mais une telle lecture, qu'elle repose sur le texte de la Bible ou des Évangiles ou du Coran, ne représentera jamais ni l'esprit ni la spiritualité du judaïsme, du christianisme ou de l'islam.

Ce qui se passe aujourd'hui au sein de l'islam n'est malheureusement pas étranger aux deux autres monothéismes: le judaïsme et le christianisme. Le judaïsme, depuis la plus haute Antiquité, a connu une frange radicale, pudiquement appelée orthodoxe. C'est de ce rang qu'est sorti l'assassin de Rabin, et avant lui les assassins d'Hébron.,. Le christianisme médiéval ou plutôt la chrétienté médiévale, c'est-à-dire une société qui se voulait l'expression du christianisme a connu la chasse aux sorcières, l'inquisition, les conversions forcées, les persécutions... et le pouvoir sur les consciences. Si la République n'était pas vigilante, cette volonté hégémonique d'un appareil religieux se remettrait à fonctionner à merveille.

L'islam pas plus que le judaïsme ou le christianisme ne peut être réduit à la caricature qu'en donnent des hommes et des femmes qui prêtent à Dieu leur propres pulsions de morts, leur volonté de pouvoir et l'instinct de violence qui sommeille en chacun d'entre nous. L'islamisme est une défiguration de l'islam et de sa spiritualité, un renversement total de sa mystique soufie.

Pour ne pas réduire l'islam à cette dérive (pas plus qu'il ne faut réduire le christianisme à l'inquisition...) il est bon, me semble-t-il, de rappeler que le judaïsme et le christianisme partagent avec l'islam la même vision de foi et les mêmes rites principaux.

La foi

Elle est exprimée dans cinq rubriques communes, appelées piliers dans l'islam :

   ler: la foi en un Dieu Unique, appelé par les uns et les autres: Yahvé, Seigneur, Allah.

    2ème: la croyance aux Prophètes choisis par Dieu: Moïse, Jésus et Mahomet, trois sémites dont nous ne comprenons l'originalité que si nous les replaçons dans un contexte culturel sémite précis...

    3ème: la croyance en un message divin, fixé dans un livre: la Thora, les Évangiles, le Coran

- 4ème: la croyance aux anges, intermédiaires de Dieu: le rôle joué par Gabriel par exemple est déterminant pour le christianisme et l'islam...

    5ème: la croyance à la Résurrection et à la rétribution finale: le Ciel ou l'Enfer... et une vie éternelle...

Les rites ou la pratique

La foi s'accompagne d'une pratique, que nous appelons ici les rites. Cette pratique ou ces rites, communs aux trois religions, sont également au nombre de cinq:

    1er: la récitation de la profession de foi: le shema Israël, la shah ada, le credo...

    2ème: les prières journalières, notamment les cinq prières par jour... propres à tout couvent et que l'islam a précisément calquées sur la pratique des monastères chrétiens d'Arabie.

    3eme: le pèlerinage: Jérusalem, La Mekke et pour les Chrétiens, autrefois Jérusalem, puis avec la perte de la ville de nombreux lieux de pèlerinage.

    4ème: le jeûne: le kippour, ramadan, le carême,

    5ème: les dons aux pauvres, la charité sous toutes ses formes....

Ce très rapide rappel devrait nous faire réfléchir sur les contresens que les uns et les autres commettent en oubliant que les Fils d'Abraham regardent tous dans le même sens et font quasiment les mêmes gestes. Pourquoi donc tant de haine et de violence entre ces frères ? Parce que depuis deux mille ans, les uns ou les autres veulent dominer, veulent imposer leurs uniques définitions de l'indicible, veulent identifier leur propre volonté à la volonté de Dieu, veulent structurer uns société où les Lois descendraient du ciel. L'histoire des trois monothéismes est profondément marquée par la violence et la guerre, et l'on remarquera que dans ces cas, il n'y a jamais de séparation nette entre pouvoirs politiques et pouvoir religieux. Il faut attendre 1789 pour que des hommes pensent et mettre en oeuvre la séparation des pouvoirs. Et aujourd'hui, nous avons à nouveau besoin de penser la laïcité.

II - Penser encore la laïcité

Nous serions encore dans une situation de violence religieuse, s'il n'y avait pas eu 1789. La Révolution française qui substitue à la trinité chrétienne, les principes de Liberté, d'Egalité et de Fraternité, fonde la République où les lois sont désormais établies par les hommes, où la volonté de tous désigne l'autorité, où chacun peut désormais s'exprimer en conscience.

C'est en France plus que dans tout autre pays européen, que cette séparation qui donne naissance la laïcité est la plus franche. Depuis le 9 décembre 1905, l'État n'entretient plus de liens légaux avec les Églises.

Avec les revendications religieuses nouvelles, et notamment l'islam militant, il faut à nouveau penser la laïcité ou peut-être mieux réaffirmer ses valeurs.

La laïcité est avant tout un cadre et non pas une alternative. Elle ne s'oppose pas à la religion et n'est pas négociable. Elle reconnaît la spécificité religieuse et garantit à chacun la libre pratique de sa foi.

En 1905, il s'agissait de trouver les conditions qui permettaient la paix religieuse entre catholiques, protestants et juifs. Les relations entre catholiques et Protestants furent sanglantes durant des siècles et il fallait trouver des règles qui ne permettent plus une Saint-Barthélémy. En 1905, l'islam était naturellement absent, un siècle plus tard, et dans un contexte bien différent, il faut à nouveau interroger la laïcité sur la reconnaissance de l'islam comme expression religieuse française.

Mais l'islam devrait-il avoir un statut différent de celui du catholicisme ou du judaïsme? Devrait-il avoir une expression nationale à laquelle les Chrétiens et les juifs ont dû renoncer?

La laïcité que certains considèrent à tort comme l'opposé de la religion doit être rapprochée des Droits universels de l'Homme.

L'ennemi de l'islam n'est pas la laïcité, mais plutôt le laïcisme; et l'ennemi de la laïcité n'est pas l'islam mais plutôt l'islamisme...

Aujourd'hui plus que jamais, il me semble qu'il faut redonner force et vigueur aux trois grands principes républicains: liberté, égalité, fraternité.

Liberté : la liberté qui reste vigilante sur toutes les manipulations des esprits et des consciences. Veiller à une véritable et authentique liberté individuelle qui ne soit pas soumise directement ou indirectement aux pressions communautaristes comme ça peut l'être pour le port du voile...

Egalité : veiller à ce que tous aient les mêmes chances de réussite.., l'égalité dans le travail, l'égalité dans l'éducation, est malheureusement loin d'être acquise. La discrimination raciale et la xénophobie sont des réalités où règne l'inégalité.

Fraternité : la fraternité, si chère aux maçons et si rare dans la société. L'expression première de la fraternité est le respect et non la tolérance. Qu'il me soit permis de combattre l'idée de la tolérance si souvent mise en avant dans les discours religieux. Toute tolérance a des limites… or dans un État démocratique qui repose sur les droits et les devoirs des citoyens, il n'y a pas lieu de recourir à la tolérance, mais simplement au respect des droits et des devoirs. Personne ne doit être toléré, mais tous doivent être respectés dans leurs droits et leurs devoirs.

Face au communautarisme dans lequel beaucoup trouvent un refuge, la laïcité doit redonner vigueur aux principes de liberté, d'égalité et de fraternité, pour qu'ils deviennent contagieux et que le citoyen trouvent les raisons pour y croire.

III - Agir maçonniquement

D'une manière globale, le maçon, en tant que citoyen, devrait être le premier à croire et à faire vivre ces principes républicains. Et pour aller plus dans le détail, il me semble qu'il serait juste aussi de rappeler quelques engagements plus spécifiques:

    Au nom du respect absolu de chacun, lutter contre toute discrimination (raciale, religieuse, sociale...)

    Au nom de la liberté, lutter pour la liberté absolue de conscience et combattre les manipulations, comme les prosélytismes de tout genre...

    Favoriser la lisibilité d'un islam progressiste en donnant plus la parole aux réformateurs et aux responsables formés et conscients de la réalité occidentale

    Exercer une vigilance critique envers les réseaux où circulent l'argent et les armes qui alimentent la violence et le terrorisme

    Faire un profond et radical examen de conscience sur les ingérences, les contradictions et les impasses d'un Occident dominateur sur un monde arabo-musulman souvent laissé à sa propre dérive. Cet examen de conscience implique deux questions graves:

    La garantie du monopole pétrolier

    La question israélo-palestinienne

Comment peut-on rêver de paix dans le monde tant que ces deux questions ne trouvent pas de réponses justes et honorables?

    Enfin, aider sérieusement les pays émergeants: l'Occident doit-il continuer à soutenir des régimes autoritaires voire dictatoriaux contre les peuples abandonnés aux vendeurs de rêves et de paradis futurs?

En tant que maçons, nous voyons que la tâche est énorme. Je voudrais conclure en disant que nous ne pouvons pas éternellement dénoncer la violence des autres sans nous pencher sur les causes profondes de cette violence à laquelle un certain Occident n'est pas toujours absent. Il ne s'agit pas d'entretenir des sentiments de culpabilité facile ou tomber dans une dénonciation tiers-mondiste, non, il s'agit d'un engagement personnel, aussi modeste soit-il, pour qu'un jour l'autre, quel qu'il soit, puisse me reconnaître comme un véritable frère.

E.W., L.F.A., mai 2004


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