Jules FERRY, "la
lettre aux instituteurs", 17 novembre 1883
(Promulguée au Journal officiel du 11 décembre 1905)
"Aux affaires" depuis
le 30 janvier 1879, Jules FERRY (qui occupait à la
fois la Présidence du Conseil et le Ministère
de l'Instruction publique) quitta son poste le 17 novembre
1883 (il fut remplacé à la tête du
Ministère de l'Instruction publique par Armand
Fallières). Avant de partir, il adressa aux instituteurs
une lettre concernant l'enseignement moral et civique.
Paris, le 17 novembre
1883
Monsieur l'Instituteur,
L'année scolaire
qui vient de s'ouvrir sera la seconde année d'application
de la loi du 28 mars 1882. Je ne veux pas la laisser
commencer sans vous adresser personnellement quelques
recommandations qui sans doute ne vous paraîtront
pas superflues après la première année
d'expérience que vous venez de faire du régime
nouveau. Des diverses obligations qu'il vous impose,
celle assurément qui vous tient le plus à coeur,
celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de
travail et de souci, c'est la mission qui vous est confiée
de donner à vos élèves l'éducation
morale et l'instruction civique : vous me saurez gré de
répondre à vos préoccupations en
essayant de bien fixer le caractère et l'objet
de ce nouvel enseignement ; et, pour y mieux réussir,
vous me permettrez de me mettre un instant à votre
place, afin de vous montrer, par des exemples empruntés
au détail même de vos fonctions, comment
vous pourrez remplir à cet égard tout votre
devoir et rien que votre devoir.
La loi du 28 mars se
caractérise par deux dispositions qui se complètent
sans se contredire : d'une part, elle met en dehors du
programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier,
d'autre part elle y place au premier rang l'enseignement
moral et civique. L'instruction religieuse appartient
aux familles et à l'église, l'instruction
morale à l'école.
Le législateur
n'a donc pas entendu faire une oeuvre purement négative.
Sans doute il a eu pour premier objet de séparer
l'école de l'église, d'assurer la liberté de
conscience et des maîtres et des élèves,
de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus,
celui des croyances qui sont personnelles, libres et
variables, et celui des connaissances qui sont communes
et indispensables à tous. Mais il y a autre chose
dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de
fonder chez nous une éducation nationale et de
la fonder sur des notions du devoir et du droit que le
législateur n'hésite pas à inscrire
au nombre des premières vérités
que nul ne peut ignorer.
Pour cette partie capitale
de l'éducation, c'est sur vous, Monsieur, que
les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant
de l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous
décharger de l'enseignement moral : c'eût été vous
enlever ce qui fait la dignité de votre profession.
Au contraire, il a paru tout naturel que l'instituteur,
en même temps qu'il apprend aux enfants à lire
et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires
de la vie morale qui ne sont pas moins universellement
acceptées que celles du langage et du calcul.
En vous conférant
de telles fonctions, le Parlement s'est-il trompé ?
A-t-il trop présumé de vos forces, de otre
bon vouloir, de votre compétence ? Assurément
il eût encouru ce reproche s'il avait imaginé de
charger tout à coup quatre-vingt mille instituteurs
et institutrices d'une sorte de cours ex professo sur
les principes, les origines et les fins dernières
de la morale. Mais qui jamais a conçu rien de
semblable ? Au lendemain même du vote de la loi,
le Conseil supérieur de l'instruction publique
a pris soin de vous expliquer ce qu'on attendait de vous,
et il l'a fait en des termes qui défient toute équivoque.
Vous trouverez ci-inclus un exemplaire des programmes
qu'il a approuvés et qui sont pour vous le plus
précieux commentaire de la loi : je ne saurais
trop vous recommander de les relire et de vous en inspirer.
Vous y puiserez la réponse aux deux critiques
opposées qui vous parviennent. Les uns vous disent
: Votre tâche d'éducateur moral est impossible à remplir.
Les autres : Elle est banale et insignifiante. C'est
placer le but ou trop haut ou trop bas. Laissez-moi vous
expliquer que la tâche n'est ni au-dessus de vos
forces ni au-dessous de votre estime, qu'elle est très
limitée et pourtant d'une très grande importance,
- extrêmement simple, mais extrêmement difficile.
J'ai dit que votre rôle
en matière d'éducation morale est très
limité. Vous n'avez à enseigner à proprement
parler rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier
comme à tous les honnêtes gens. Et quand
on vous parle de mission et d'apostolat, vous n'allez
pas vous y méprendre : vous n'êtes point
l'apôtre d'un nouvel évangile ; le législateur
n'a voulu faire de vous ni un philosophe, ni un théologien
improvisé. Il ne vous demande rien qu'on ne puisse
demander à tout homme de coeur et de sens. Il
est impossible que vous voyiez chaque jour tous ces enfants
qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons,
observant votre conduite, s'inspirant de vos exemples, à l'âge
où l'esprit s'éveille, où le coeur
s'ouvre, où la mémoire s'enrichit, sans
que l'idée vous vienne aussitôt de profiter
de cette docilité, de cette confiance, pour leur
transmettre, avec les connaissances scolaires proprement
dites, les principes mêmes de la morale, j'entends
simplement de cette bonne et antique morale que nous
avons reçue de nos pères et que nous nous
honorons tous de suivre dans les relations de la vie
sans nous mettre en peine d'en discuter les bases philosophiques.
Vous êtes l'auxiliaire
et, à certains égards, le suppléant
du père de famille ; parlez donc à son
enfant comme vous voudriez que l'on parlât au vôtre
; avec force et autorité, toutes les fois qu'il
s'agit d'une vérité incontestée,
d'un précepte de la morale commune ; avec la plus
grande réserve, dès que vous risquez d'effleurer
un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge.
Si parfois vous étiez
embarrassé pour savoir jusqu'où il vous
est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici
une règle pratique à laquelle vous pourrez
vous tenir : avant de proposer à vos élèves
un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous
s'il se trouve, à votre connaissance, un seul
honnête homme qui puisse être froissé de
ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père
de famille, je dis un seul, présent à votre
classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi
refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait
dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez
hardiment, car ce que vous allez communiquer à l'enfant,
ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse du
genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel
que plusieurs siècles de civilisation ont fait
entrer dans le patrimoine de l'humanité. Si étroit
que vous semble, peut-être, un cercle d'action
ainsi tracé, faites-vous un devoir d'honneur de
n'en jamais sortir, restez en deçà de cette
limite plutôt que de vous exposer à la franchir
: vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette
chose délicate et sacrée, qui est la conscience
de l'enfant.
Mais une fois que vous
vous êtes ainsi loyalement enfermé dans
l'humble et sûre région de la morale usuelle,
que vous demande-t-on ? Des discours ? Des dissertations
savantes ? De brillants exposés, un docte enseignement
? Non, la famille et la société vous demandent
de les aider à bien élever leurs enfants, à en
faire des honnêtes gens. C'est dire qu'elles attendent
de vous non des paroles, mais des actes, non pas un enseignement
de plus à inscrire au programme, mais un service
tout pratique que vous pourrez rendre au pays plutôt
encore comme homme que comme professeur.
Il ne s'agit plus là d'une
série de vérités à démontrer
mais, ce qui est tout autrement laborieux, d'une longue
suite d'influences morales à exercer sur de jeunes êtres, à force
de patience, de fermeté, de douceur, d'élévation
dans le caractère et de puissance persuasive.
On a compté sur vous pour leur apprendre à bien
vivre par la manière même dont vous vivez
avec eux et devant eux. On a osé prétendre
pour vous à ce que d'ici quelques générations
les habitudes et les idées des populations au
milieu desquelles vous aurez exercé attestent
les bons effets de vos leçons de morale. Ce sera
dans l'histoire un honneur particulier pour notre corps
enseignant d'avoir mérité d'inspirer aux
Chambres françaises cette opinion, qu'il y a dans
chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire
naturel du progrès moral et social, une personne
dont l'influence ne peut manquer en quelque sorte d'élever
autour d'elle le niveau des moeurs. Ce rôle est
assez beau pour que vous n'éprouviez nul besoin
de l'agrandir. D'autres se chargeront plus tard d'achever
l'oeuvre que vous ébauchez dans l'enfant et d'ajouter à l'enseignement
primaire de la morale un complément de culture
philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l'office
que la société vous assigne et qui a aussi
sa noblesse : poser dans l'âme des enfants les
premiers et solides fondements de la simple moralité.
Dans une telle oeuvre,
vous le savez, Monsieur, ce n'est pas avec des difficultés
de théorie et de haute spéculation que
vous avez à vous mesurer ; c'est avec des défauts,
des vices, des préjugés grossiers. Ces
défauts, il ne s'agit pas de les condamner - tout
le monde ne les condamne-t-il pas ? - mais de les faire
disparaître par une succession de petites victoires
obscurément remportées. Il ne suffit donc
pas que vos élèves aient compris et retenu
vos leçons, il faut surtout que leur caractère
s'en ressente : ce n'est pas dans l'école, c'est
surtout hors de l'école qu'on pourra juger ce
qu'a valu votre enseignement.
Au reste, voulez-vous
en juger vous-même dès à présent
et voir si votre enseignement est bien engagé dans
cette voie, la seule bonne : examinez s'il a déjà conduit
vos élèves à quelques réformes
pratiques. Vous leur avez parlé, par exemple,
du respect dû à la loi : si cette leçon
ne les empêche pas, au sortir de la classe, de
commettre une fraude, un acte, fût-il léger,
de contrebande ou de braconnage, vous n'avez rien fait
encore ; la leçon de morale n'a pas porté.
Ou bien vous leur avez
expliqué ce que c'est que la justice et que la
vérité : en sont-ils assez profondément
pénétrés pour aimer mieux avouer
une faute que de la dissimuler par un mensonge, pour
se refuser à une indélicatesse ou à un
passe-droit en leur faveur ?
Vous avez flétri
l'égoïsme et fait l'éloge du dévouement
: ont-ils, le moment d'après, abandonné un
camarade en péril pour ne songer qu'à eux-mêmes
? Votre leçon est à recommencer.
Et que ces rechutes ne
vous découragent pas. Ce n'est pas l'oeuvre d'un
jour de former ou de réformer une âme libre.
Il y faut beaucoup de leçons sans doute, des lectures,
des maximes écrites, copiées, lues et relues
; mais il y faut surtout des exercices pratiques, des
efforts, des actes, des habitudes. Les enfants ont en
morale un apprentissage à faire, absolument comme
pour la lecture ou le calcul. L'enfant qui sait reconnaître
et assembler des lettres ne sait pas encore lire ; celui
qui sait les tracer l'une après l'autre ne sait
pas écrire. Que manque-t-il à l'un et à l'autre
? La pratique, l'habitude, la facilité, la rapidité et
la sûreté de l'exécution. De même,
l'enfant qui répète les premiers préceptes
de la morale ne sait pas encore se conduire : il faut
qu'on l'exerce à les appliquer couramment, ordinairement,
presque d'instinct ; alors seulement la morale aura passé de
son esprit dans son coeur, et elle passera de là dans
sa vie ; il ne pourra plus la désapprendre.
De ce caractère
tout pratique de l'éducation morale à l'école
primaire, il me semble facile de tirer les règles
qui doivent vous guider dans le choix de vos moyens d'enseignement.
Une seule méthode
vous permettra d'obtenir les résultats que nous
souhaitons. C'est celle que le Conseil supérieur
vous a recommandée : peu de formules, peu d'abstractions,
beaucoup d'exemples et surtout d'exemples pris sur le
vif de la réalité. Ces leçons veulent
un autre ton, une autre allure que tout le reste de la
classe, je ne sais quoi de plus personnel, de plus intime,
de plus grave. Ce n'est pas le livre qui parle, ce n'est
même plus le fonctionnaire, c'est pour ainsi dire
le père de famille dans toute la sincérité de
sa conviction et de son sentiment.
Est-ce à dire
qu'on puisse vous demander de vous répandre en
une sorte d'improvisation perpétuelle sans aliment
et sans appui du dehors ? Personne n'y a songé,
et, bien loin de vous manquer, les secours extérieurs
qui vous sont offerts ne peuvent vous embarrasser que
par leur richesse et leur diversité. Des philosophes
et des publicistes, dont quelques-uns comptent parmi
les plus autorisés de notre temps et de notre
pays, ont tenu à honneur de se faire vos collaborateurs,
ils ont mis à votre disposition ce que leur doctrine
a de plus pur et de plus élevé. Depuis
quelques mois, nous voyons grossir presque de semaine
en semaine le nombre des manuels d'instruction morale
et civique. Rien ne prouve mieux le prix que l'opinion
publique attache à l'établissement d'une
forte culture morale par l'école primaire. L'enseignement
laïque de la morale n'est donc estimé ni
impossible, ni inutile, puisque la mesure décrétée
par le législateur a éveillé aussitôt
un si puissant écho dans le pays.
C'est ici cependant qu'il
importe de distinguer de plus près entre l'essentiel
et l'accessoire, entre l'enseignement moral qui est obligatoire,
et les moyens d'enseignement qui ne le sont pas. Si quelques
personnes, peu au courant de la pédagogie moderne,
ont pu croire que nos livres scolaires d'instruction
morale et civique allaient être une sorte de catéchisme
nouveau, c'est là une erreur que ni vous, ni vos
collègues, n'avez pu commettre. Vous savez trop
bien que, sous le régime de libre examen et de
libre concurrence qui est le droit commun en matière
de librairie classique, aucun livre ne vous arrive imposé par
l'autorité universitaire. Comme tous les ouvrages
que vous employez, et plus encore que tous les autres,
le livre de morale est entre vos mains un auxiliaire
et rien de plus, un instrument dont vous vous servez
sans vous y asservir.
Les familles se méprendraient
sur le caractère de votre enseignement moral si
elles pouvaient croire qu'il réside surtout dans
l'usage exclusif d'un livre même excellent. C'est à vous
de mettre la vérité morale à la
portée de toutes les intelligences, même
de celles qui n'auraient pour suivre vos leçons
le secours d'aucun manuel ; et ce sera le cas tout d'abord
dans le cours élémentaire. Avec de tout
jeunes enfants qui commencent seulement à lire,
un manuel spécial de morale et d'instruction civique
serait manifestement inutile. A ce premier degré,
le Conseil supérieur vous recommande, de préférence à l'étude
prématurée d'un traité quelconque,
ces causeries familières dans la forme, substantielles
au fond, ces explications à la suite des lectures
et des leçons diverses, ces mille prétextes
que vous offrent la classe et la vie de tous les jours
pour exercer le sens moral de l'enfant.
Dans le cours moyen,
le manuel n'est autre chose qu'un livre de lectures qui
s'ajoute à ceux que vous possédez déjà.
Là encore, le Conseil, loin de vous prescrire
un enchaînement rigoureux de doctrines, a tenu à vous
laisser libre de varier vos procédés d'enseignement
: le livre n'intervient que pour vous fournir un choix
tout fait de bons exemples, de sages maximes et de récits
qui mettent la morale en action.
Enfin, dans le cours
supérieur, le livre devient surtout un utile moyen
de réviser, de fixer et de coordonner ; c'est
comme le recueil méthodique des principales idées
qui doivent se graver dans l'esprit du jeune homme.
Mais, vous le voyez, à ces
trois degrés, ce qui importe, ce n'est pas l'action
du livre, c'est la vôtre. Il ne faudrait pas que
le livre vînt en quelque sorte s'interposer entre
vos élèves et vous, refroidir votre parole,
en émousser l'impression sur l'âme de vos élèves,
vous réduire au rôle de simple répétiteur
de la morale. Le livre est fait pour vous, non vous pour
le livre. Il est votre conseiller et votre guide, mais
c'est vous qui devez rester le guide et le conseiller
par excellence de vos élèves.
Pour vous donner tous
les moyens de nourrir votre enseignement personnel de
la substance des meilleurs ouvrages, sans que le hasard
des circonstances vous enchaîne exclusivement à tel
ou tel manuel, je vous envoie la liste complète
des traités d'instruction morale et civique qui
ont été, cette année, adoptés
par les instituteurs dans les diverses académies
; la bibliothèque pédagogique du chef-lieu
de canton les recevra du ministère, si elle ne
les possède déjà, et les mettra à votre
disposition. Cet examen fait, vous restez libre ou de
prendre un de ces ouvrages pour en faire un des livres
de lecture habituelle de la classe ; ou bien d'en employer
concurremment plusieurs, tous pris, bien entendu, dans
la liste générale ci-incluse ; ou bien
encore, vous pouvez vous réserver de choisir vous-même,
dans différents auteurs, des extraits destinés à être
lus, dictés, appris. Il est juste que vous ayez à cet égard
autant de liberté que vous avez de responsabilité.
Mais quelque solution que vous préfériez,
je ne saurais trop vous le redire, faites toujours bien
comprendre que vous mettez votre amour-propre, ou plutôt
votre honneur, non pas à faire adopter tel ou
tel livre, mais à faire pénétrer
profondément dans les jeunes générations
'enseignement pratique des bonnes règles et des
bons sentiments.
Il dépend de vous,
Monsieur, j'en ai la certitude, de hâter par votre
manière d'agir le moment où cet enseignement
sera partout non seulement accepté, mais apprécié,
honoré, aimé, comme il mérite de
l'être. Les populations mêmes dont on a cherché à exciter
les inquiétudes ne résisteront pas longtemps à l'expérience
qui se fera sous leurs yeux. Quand elles vous auront
vu à l'oeuvre, quand elles reconnaîtront
que vous n'avez d'autre arrière-pensée
que de leur rendre leurs enfants plus instruits et meilleurs,
quand elles remarqueront que vos leçons de morale
commencent à produire de l'effet, que leurs enfants
rapportent de votre classe de meilleures habitudes, des
manières plus douces et plus respectueuses, plus
de droiture, plus d'obéissance, plus de goût
pour le travail, plus de soumission au devoir, enfin
tous les signes d'une incessante amélioration
morale, alors la cause de l'école laïque
sera gagnée, le bon sens du père et le
coeur de la mère ne s'y tromperont pas, et ils
n'auront pas besoin qu'on leur apprenne ce qu'ils vous
doivent d'estime, de confiance et de gratitude.
J'ai essayé de
vous donner, Monsieur, une idée aussi précise
que possible d'une partie de votre tâche qui est, à certains égards,
nouvelle, qui de toutes est la plus délicate ;
permettez-moi d'ajouter que c'est aussi celle qui vous
laissera les plus intimes et les plus durables satisfactions.
Je serais heureux si j'avais contribué par cette
lettre à vous montrer toute l'importance qu'y
attache le gouvernement de la République et si
je vous avais décidé à redoubler
d'efforts pour préparer à notre pays une
génération de bons citoyens.
Recevez, Monsieur l'instituteur,
l'expression de ma considération distinguée.
Le Président du
Conseil,
Ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts,
Jules Ferry
"Comme la valeur
de l'enseignement nouveau, écrivit-il à ce
sujet dans une circulaire spéciale aux Recteurs,
doit dépendre avant tout de l'idée que
s'en font les instituteurs et de l'effort personnel qu'ils
y apportent, j'ai cru devoir m'adresser directement à eux,
dans une sorte d'instruction pédagogique concernant
l'enseignement moral et civique, le caractère
qu'il doit avoir dans les trois cours, l'usage et l'abus
des livres, les mesures à prendre et les efforts à faire
pour mettre la neutralité religieuse dans son
vrai jour et à l'abri de toute atteinte ".
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