Extrait du LIVRE
BLANC DE LA LAICITE,
par Alain
BAUER, Grand Maître du Grand
Orient de France (2001)
L'humanisme laïque
repose sur le principe de la liberté absolue
de conscience.
Liberté de l'esprit: émancipation à l'égard
de tous les dogmes; droit de croire ou de ne pas croire en
Dieu; autonomie de la pensée vis-à-vis des contraintes
religieuses, politiques, économiques; affranchissement
des modes de vie par rapport aux tabous, aux idées dominantes
et aux règles dogmatiques.
La laïcité vise à libérer
l'enfant et l'adulte de tout ce qui aliène ou pervertit
la pensée, notamment les croyances ataviques, les préjugés,
les idées préconçues, les dogmes, les
idéologies opprimantes, les pressions d'ordre culturel, économique,
social, politique ou religieux.
La laïcité vise à développer
en l'être humain, dans le cadre d'une formation intellectuelle,
morale et civique permanente, l'esprit critique ainsi que le
sens de la solidarité et de la fraternité.
La liberté d'expression
est le corollaire de la liberté absolue de conscience.
Elle est le droit et la possibilité matérielle
de dire, d'écrire et de diffuser la pensée individuelle
ou collective. Les nouvelles techniques de communication rendent
cette exigence encore plus vitale. Et dans ce domaine de l'information
et de la communication plus qu'ailleurs, la vigilance doit être
particulière face aux énormes moyens de manipulation
et de perversion de la pensée.
La morale laïque qui en
découle est simple. Elle repose sur les principes de
tolérance mutuelle et de respect des autres et de soi-même.
Le bien, c'est tout ce qui libère, tout ce qui affranchit;
le mal, c'est tout ce qui asservit ou avilit. La laïcité vise
dans ce contexte à donner les moyens à l'homme
d'acquérir une totale lucidité et une pleine
responsabilité de ses pensées et de ses actes.
Fondée sur les nécessités
de la vie en société et la promotion de la liberté individuelle,
elle est essentielle dans la construction de l'harmonie sociale
et pour le renforcement du civisme démocratique. Elle
tend à instaurer, par-delà les différences
idéologiques, communautaires ou nationales, une société humaine
favorable à l'épanouissement de tous, société d'où seront
exclus toute exploitation ou conditionnement de l'homme par
l'homme, tout esprit de fanatisme, de haine ou de violence.
Certes, la tolérance
est la conséquence logique des valeurs précédentes,
faute de quoi l'harmonie sociale est mise en péril.
Mais la tolérance n'a de sens que si elle est mutuelle,
et elle aura toujours pour limites l'intolérance, le
refus de l'autre, le racisme et le totalitarisme.
Le refus du racisme et de la
ségrégation sous toutes ses formes est inséparable
de l'idéal laïque. La société nouvelle
que nous voulons ne peut pas être la simple juxtaposition
de communautés qui, au mieux s'ignorent, au pire s'exterminent.
Aucune société de paix ne peut se construire
sur la séparation définitive de groupes culturels,
linguistiques, religieux, sexistes ou autres. Le passage est
trop facile de séparation à ségrégation, à rivalités
et conflits. Et ce, même si la séparation est
présentée comme une nécessité vitale
de développement.
L'idéal laïque
ne peut en aucun cas s'accommoder de l'idée de " développement
séparé " souvent pratiqué dans des
sociétés de type anglo-saxon. Le principe même
de "discrimination positive" ne saurait constituer
en soi une solution à la libération d'un groupe.
Le seul moyen de développement social est l'intégration
différente de l'assimilation la participation de tous à une
collectivité de citoyens libres et égaux en droits
et en devoirs. Les seuls groupes sociaux acceptables reposent
sur le choix, la libre appartenance et l'ouverture.
L'éthique laïque
mène enfin inévitablement à la justice
sociale : égalité des droits et égalité des
chances. L'éducation laïque, l'école, le
droit à l'information, l'apprentissage de la critique
sont les conditions de cette égalité.