Centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat
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Histoire

Commentaire de texte de Pierre Besses

"L'instruction morale à l'école"

Discours aux instituteurs de Toulouse, La Dépêche du 8 juin 1892

I - Actualité d'une morale laïque à l'usage des enseignants dans la nouvelle France multiconfessionnelle à l'heure du foulard islamique

Défense et illustration d'un humanisme critique : les trois défis à l'école républicaine selon Henri Péna-Ruiz.

II - Le contexte philosophique et religieux d'une morale moderne dans la guerre civile des deux France à la veille de l'affaire Dreyfus

La laïcisation des écoles catholiques et de l'enseignement congréganiste. ( 1880-1905).

III - Jaurès et les instituteurs, les"éducateurs du peuple" : l'éveil de l'enfant à l'idéal, remède à l'égoïsme et à la haine

IV - Les huit thèmes d'une morale néo-kantienne et républicaine.

Le mythe idéaliste de l'éducation "contour donné à l'infini des rêves".

V - Les quatre non-dits : ou les bons usages implicites de la morale pratique de 1892.

Michelet et Quinet : une morale vecteur d'une philosophie de l'histoire post-hégélienne

Jaurès, fidèle gardien de l'école laïcisée selon Jules Ferry.

Une morale au service de la libre pensée selon Ferdinand Buisson.

Contribution critique d'un contre-pouvoir spirituel à la crise du modernisme chrétien.

VI - Au-delà d'un éclectisme spiritualiste (1880-1905)

Carences et limites d'une morale civique.

Les deux impératifs d'une éthique rationnelle selon Emile Durkheim.

Devoir et civisme ou les deux sources d'une morale anticléricale.

Le choc des deux morales de l'instituteur républicain : socialisme humanitaire ou amour de la patrie.

La religion civile, finalité ultime d'une morale républicaine.

VII - Bibliographie

VIII - Document annexe : discours de Jean Jaurès du 31 juillet 1904, Castres. (L'éducation laïque). Source : J.P.Izard, Conseiller municipal, Carmaux.

"La morale laïque, c'est-à-dire indépendante de toute croyance religieuse préalable, et fondée sur la pure idée du devoir, existe ; nous n'avons point à la créer. Elle n'est pas seulement une doctrine philosophique ; elle est devenue, depuis la Révolution française, une réalité historique, un fait social, car la Révolution, en affirmant les droits et les devoirs de l'homme, ne les a mis sous la sauvegarde d'aucun dogme. Elle n'a pas dit à l'homme : Que crois-tu ? Elle lui a dit : Voilà ce que tu vaux et ce que tu dois ; et, depuis lors, c'est la seule conscience humaine, la liberté réglée par le devoir, qui est le fondement de l'ordre social tout entier.

Il s'agit de savoir si cette morale laïque, humaine, qui est l'âme de nos institutions, pourra régler et ennoblir aussi toutes les consciences individuelles. Il s'agit de savoir si tous les citoyens du pays, paysans, ouvriers, commerçants, producteurs de tout ordre, pourront sentir et comprendre ce que vaut d'être homme et à quoi cela engage. Là est l'office principal de l'école. Nos écoles […] sont donc tenues de découvrir et de susciter dans la conscience de l'enfant un principe de vie morale supérieure et une règle d'action. L'enseignement de la morale doit donc être la première préoccupation de nos maîtres.

[…] Qui donc, parmi les hommes, a qualité pour parler au nom de la loi morale et pour exiger le sacrifice de tous les penchants mauvais au devoir . Comment pourrons-nous, comment oserions-nous, avec nos innombrables faiblesses, parler aux enfants de la beauté et de l'inviolabilité de la loi ? Il le faut pourtant, il faut oser, avec modestie, mais sans trouble. La majesté et l'autorité de la loi morale ne sont point diminuées, même en nous, par nos propres manquements et nos propres défaillances : et pourvu que nous sentions en nous une volonté bonne et droite, même si elle est débile et trop souvent fléchissante, nous avons le droit de parler, aux enfants, du devoir.

Au reste, les maîtres de nos écoles, dans leurs obscures et pesantes fonctions, ont bien souvent et tous les jours sans doute l'occasion de se soumettre librement au devoir : […] quand, se croyant méconnus, ils n'ont rien perdu de leur zèle, ils ont accompli la loi par respect pour la loi ; ils ont été libres serviteurs du devoir ; ils se sont élevés à lui, et ils peuvent s'y fixer par la pensée, même s'ils n'y restent pas invariablement attachés par la conduite ; et, alors, ce n'est pas nous qui parlons, c'est le devoir qui parle en nous et par nous, qui n'y sommes pas tout à fait étrangers.

Kant a dit qu'on ne peut prévoir ce que l'éducation ferait de l'humanité, si elle était dirigée par un être supérieur à l'humanité. Or, cet être supérieur à l'homme, c'est l'homme  lui-même […] Et ainsi l'humanité peut grandir par la vertu même de l'idéal suscité par elle : et, par un étrange paradoxe qui prouve que le monde moral peut échapper à la loi mécanique, l'humanité s'élève au-dessus d'elle-même sans autre point d'appui qu'elle-même. Donc, les maîtres […] doivent parler sans crainte de l'excellence du devoir, de la dignité humaine, du désintéressement, du sacrifice, de la sainteté. […]

[…] l'enseignement civique ne peut avoir de sens et de valeur que par l'enseignement moral, car les constitutions qui assurent à tous les citoyens la liberté politique et qui réalisent ou préparent l'égalité sociale, ont pour âme le respect de la personne humaine, de la dignité humaine. La Révolution française n'a été une grande révolution politique que parce qu'elle a été une grande révolution morale.

[…] Ainsi, de tous nos devoirs les plus familiers en apparence, comme la propreté et la sobriété, il faut toujours donner les raisons les plus hautes, celles qui font le mieux sentir la grandeur de l'homme. Par là, tous les enfants de nos écoles auront le sentiment concret et précis de l'idéal. Il semble, d'abord, que ce soit là un mot bien ambitieux pour nos écoles primaires et bien au-dessus de l'enfance. Il n'en est rien : l'âme enfantine est pleine d' infini flottant, et toute l'éducation doit tendre à donner un contour l'esprit de l'enfant jusqu'à l'idée de la perfection morale, de la sainteté.

Et alors, combien grande serait une humanité où tous les hommes respecteraient la personne humaine en eux-mêmes et dans les autres, où tous les hommes diraient la vérité, où tous fuiraient l' injustice et l'orgueil, et ne recourraient ni à la violence, ni à la ruse, ni à la fraude ! Ce serait la société parfaite, l'humanité idéale, que tous les grands esprits et les grands cœurs ont préparée par la promulgation du devoir et par la soumission au devoir, celle que tous les hommes, et les plus humbles, et les enfants mêmes, peuvent préparer aussi par la soumission libre à la loi morale ; car cette humanité idéale, quand elle prendra corps, sera faite avec la substance de tous les désintéressements et de tous les sacrifices.

Et, ainsi, non seulement l'enfant de nos écoles comprendra ce qu'est l'idéal moral pour tout individu humain, pour lui-même et pour l'ensemble de l'humanité, mis il sentira qu'il peut concourir lui-même, par la droiture, par la pratique journalière du devoir, à la réalisation de l'idéal humain. Du coup, sa vie intérieure sera transformée et agrandie : ou plutôt, la vie intérieure aura été créée en lui.

Voilà le but suprême que doit se proposer l'école primaire. Par quelle voie, par quelle méthode pourra-t-elle y atteindre le plus sûrement ? Quels doivent être les procédés pratiques d'enseignement de la morale aux enfants ? Et encore, est-ce que la vie morale, libre de toute croyance religieuse préalable, ne devient pas le point de départ d'une conception religieuse, rationnelle et libre, de l'univers ? Questions difficiles ou périlleuses, mais qu'il faudra aborder aussi, si nous ne voulons pas traiter la conscience de la démocratie et l'âme du peuple comme une quantité négligeable. Mais il suffit, pour aujourd'hui, que nous ayons bien compris toute la grandeur de la mission de nos maîtres : ils doivent être avant tout des instituteurs de morale."
("L'instruction morale à l'école", La Dépêche, 8 juin 1892).

Orientation bibliographique :

Paul Seff, Pourquoi l'exigence éthique ?

Lucien Sorat, La question des valeurs dans notre république.

Alain Gérard, La morale : fin et recommencement.

Jean Pons, Les valeurs et la question de leur universalité.

p.212 : la morale laïque de Jules Ferry décalque des interdits de la morale chrétienne, Jean Foucambert.

J.P.Valla, Valeurs morales, valeurs marchandes, p.251, les droits de l'homme, août 1789, la morale kantienne.

J. Pons, Les valeurs universelles : Aristote, Descartes, Kant, Rousseau, le vicaire savoyard. Le nouvel universel de la République de 89 : la Déclaration des Droits de l'Homme, pp. 287-289. Le cas de la laïcité dans la nouvelle société française multiconfessionnelle sécularisée puis rechristianisée, rejudaïsée, islamisée après le reflux de l'utopie communiste dans la domination de la pensée unique néo-libérale américaine.

Sur  Jaurès libre penseur anti-positiviste dans le champ philosophique de 1880-1890 :

Humanisme, mars 2003.
La problématique actualisée de la morale laïque de Jaurès libre penseur anti-positiviste avec F.Buisson libre penseur religieux (Humanisme, mars 2003, philosophie des religions ) se trouve dans Réflexions sur les valeurs de la fin du siècle : éthique et société. 1996 GREP Toulouse.

F. Buisson architecte de l'école de J. Ferry ; le libéralisme religieux du libre penseur : le devoir de combattre les deux ennemis ; le dogmatisme théologique des papes et des congrégations, le dogmatisme athée de l'esprit positif selon A. Comte, de Littré à M. Berthelot.

Ibidem : R. Debray : la logistique du divin, C. Porset, Traditio traditionis, le retour du refoulé religieux dans les hauts grades de l'écossisme. Le REAA, une crypto religion dans le contexte des identités religieuses communautariennes des écoles juives et musulmanes.

Le scandale Drewermann, le procès post-jaurésien de l'église catholique : le retour au vrai message du Christ. Réconcilier dans l'homme ordinaire la raison et le sentiment, le conscient et l'inconscient, le divin et l'humain. "Le diabolique, Desmons", 1872. La Réforme protestante c'est la liberté la plus complète en matière de foi et de religion contre tous les cléricaux faillibles par la laïcisation des programmes des écoles primaires, 1905. Le GC. avec Blatin doit servir de gardien de la tradition symboliste du REAA contre l'offensive des positivistes scientistes. Le rite Groussier, l'esprit jaurésien d'un anti-positivisme libéral des pasteurs réformés et laïcs dans le cabinet de Briand architecte de la loi de 1905.

M. Maffesoli, Religions post-modernes : le retour à l'antique païen contre les impératifs chrétiens et jaurésiens du moralisme moderne du devoir kantien ; la soif de l'infini impulse l'anomie des effervescences sociales et tribales de l'homme communautarien, produit des écoles religieuses anti-laïques.

Sur une philosophie de la laïcité de J. Baubérot et de la Ligue de l'Enseignement de M. Morineau :

Monique Canto Sperber, dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, Puf, 1996.

Sur la philosophie de la Révolution Française, fondement historique de la morale laïque de Jaurès :

Furet et Ozouf, dictionnaire critique de la R.F., Flammarion, 1988.

Sur Jaurès libre penseur :

J. Lalouette, la libre pensée en France, 1848-1940.

Lipovestsky, le crépuscule du devoir, Gallimard.

Luc Ferry, l'homme Dieu.

Sur Jaurès, philosophe à Toulouse :

J.M. Gabaude, Jaurès philosophe. Editions Universitaires du sud. Toulouse, 1999.

Dans l'océan des contributions à une nouvelle morale laïque post-jaurésienne.

Péna-Ruiz, Dieu et Marianne, Puf, 1999.

G. Haarscher, la laïcité, Puf, 1996.

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6 mai 2005